Né le 19 juillet 1962 en Grande Bretagne, Stephen Marsden aime éprouver les matériaux. Installé en France depuis plusieurs années, l’artiste ne cesse de se confronter à la sculpture. Il maîtrise l’ensemble des techniques classique du modelage au moulage, en passant par la taille des pierres et la fonte. Jean de Bengy, ancien inspecteur général de la création et des enseignements artistiques au sein du ministère de la culture et de la communication, qualifiait les statues de Stephen Marsden «d’un classicisme mesuré et affirmé, avec une technique sûre de la taille ». Véritable explorateur de la sculpture, il envisage cette technique comme une expérience de la création.
Son travail de sculpteur s’inscrit dans un processus de collection. Depuis plus de 10 ans, Stephen Marsden récupère au hasard des jours des objets ordinaires, qu’il va ensuite sculpter en l’image idéale qu’il s’en fait. Ces «bibelots» aux allures étranges et souvent de petites tailles, lui servent de travail préparatoire. Il les assemble, les rassemble, les combine pour former des maquettes en vue de pièces plus grandes. L’artiste a recourt à l’agrandissement dans de nombreux travaux de sculptures. Ce procédé est le socle de sa démarche artistique. Il obtient ainsi de grandes sculptures de résine, aux formes hallucinantes, qui semblent avoir rompues tout lien avec la réalité, avec les objets de départ. L’ensemble apparaît alors fantasque, monstrueux.
Dans son discours, l’artiste pense la sculpture comme un lien direct avec le corps: interaction entre la sculpture et le corps du sculpteur, entre la sculpture et le corps des spectateurs. Ce rapport au corps se retrouve dans de nombreux travaux. Plusieurs sculptures ont pour origine des préservatifs, comme Birdsecret, et conduisent à des formes des plus énigmatiques.
Birdsecret est une œuvre acquise par le FRAC Languedoc-Roussillon en 2010. Il s’agit d’un ensemble de trois sculptures, réalisée entre 1999 et 2004, en résine polyester peintes et vernies. Avant son acquisition, cette pièce a été exposée à de nombreuses reprises. Durant l’été 2009, le FRAC Limousin montre Birdsecret lors de l’exposition «Rencontre singulière entre œuvre d’art et patrimoine», à l’occasion de l’événement «En Résonance 6». L’hiver suivant, les sculptures sont présentes sur le domaine du Château Comptal de Carcassonne pour l’exposition «Poésie militaire». En juin 2010, c’est au tour du FRAC Languedoc-Roussillon de dévoiler cette œuvre pour l’exposition «Casanova Forever».
Pour réaliser ces sculptures, avoisinant les deux mètres de haut, l’artiste a convoqué son «geste de récupération». Prenant comme base des préservatifs enfilés fantaisie, il détourne la fonction pour offrir un nouvel espace poétique à ces statuettes.
Le travail de sculpteur de Stephen Marsden se découpe en plusieurs étapes. Pour cette pièce, il a d’abord moulé les préservatifs. Le moulage alors obtenu est agrandi par un lent et laborieux travail d’amplification afin de produire un nouveau modelage en terre cuite. L’artiste parvient ainsi à un grand moule, dans lequel il coule une épreuve en résine synthétique. Après un temps de séchage de plusieurs jours, l’artiste démoule les œuvres et obtient ces grandes sculptures brillantes.
Stephen Marsden (né en 1962), Household gods, 1997 - 1998,
onze sculptures en résine polyester et peinture acrylique.
Dimension variables.
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Stephen Marsden intégre le préservatif dans son œuvre pour la première fois dans un ensemble de sculpture intitulé Household Gods, à travers lequel il évoque l’érotisme physique et psychologique lié à l’objet. Avec Birdsecret, l’artiste a également recourt au préservatif, mais le message n'est plus le même. Ici le préservatif Fantaisie renvoie à la figurine animale. L'ambiguïté entre l'objet original, rapport au sexe, et la forme produite, aspect enfantin, crée des objets dits transitionnels.
S’élevant toujours plus haut, ces immenses oiseaux d’un bleu turquoise intriguent. Coupées de leur réalité d’origine, les figurines rentrent dans une nouvelle dimension physique et symbolique, de par leur échelle disproportionnée et la nature inattendue du matériau.
S’élevant toujours plus haut, ces immenses oiseaux d’un bleu turquoise intriguent. Coupées de leur réalité d’origine, les figurines rentrent dans une nouvelle dimension physique et symbolique, de par leur échelle disproportionnée et la nature inattendue du matériau.
En effet, l’aspect lisse et brillant du vernis appliqué confère une dimension particulière à ces volatiles. Reflétant la lumière avec douceur, ces personnages aux allures hallucinatoires semblent tout droit sortis d’un songe. La couleur bleutée qui les habille renforce cet effet de rêve, ce sentiment d’immatériel. Etablissant ainsi un paradoxe avec l’effet escompté par la résine, qui retranscrit parfaitement la nature du préservatif. L’image de l’oiseau, transposée dans une dimension oisive par le vernis et la couleur, vient en opposition avec l’aspect « latex » du préservatif donné par l’utilisation de la résine. Alors, une question survient: que sont vraiment ces statues?
Drôles et attendrissants à la fois, les Birdsecret suscitent la curiosité. S’agit-il de pièces d’un jeu de l’oie? De jouets pour enfants? D’objets sexuels pour adultes? L’œil du spectateur est livré à lui-même et chacun peut imaginer ce qu’il souhaite. Ces amusantes statues, nous jaugeant du haut de leur bec, laissent place à tout un monde d’interprétation et gardent cacher en elles leurs secrets. Le titre même de l’œuvre indique la nature mystérieuse de ces oiseaux bleus. Gonflées dans leur peau de « latex », les trois statues se jouent du spectateur, l’artiste se joue du spectateur. Stephen Marsden interroge l’autre dans son rapport à la contraception et cette ambiguité transitionnelle, où l’enfant se cache encore chez l’adulte. En plus d’être, comme le définit Marc Lenot, une «expérience de la création: pression des doigts dans le moule en latex, répétition des geste de la taille», la sculpture de Stephen Marsden devient une expérience psychologique.
par C²
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